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Créer une culture et un environnement propices au développement de la curiosité

La curiosité est l’état d’esprit qui privilégie la remise en cause du statu quo, l’exploration, la découverte et l’apprentissage permanent. Un environnement approprié contribue à développer le niveau de curiosité dans les organisations. Dans cet article, Stefaan van Hooydonk nous explique comment.

La curiosité est souvent associée, à tort, aux enfants et aux animaux. La réalité est que les adultes aussi sont curieux. Le problème principal est que les adultes sont moins enclins à aller jusqu’au bout de leur démarche, souvent à cause de mauvaises expériences ou d’influences extérieures. L’expérience nous a appris à ne pas jouer avec le feu !

La capacité à être curieux n’est pas un don mais une compétence, qu’on peut développer par la formation et l’entrainement. Elle est donc accessible à tout un chacun. Les entreprises et organisations qui comprennent comment la curiosité opère, et comment créer un environnement propice, sont capables de maximiser leur innovation, leur créativité et leur croissance.

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1. Les 3 dimensions de la curiosité

On peut considérer qu’il y a 3 dimensions essentielles à la curiosité des adultes. La première est la curiosité à apprendre qui croît au fur et à mesure qu’on apprend. La deuxième est la curiosité emphatique qui est essentiellement notre capacité à se mettre à la place des autres, s’intéresser à leurs idées, émotions et réactions. La curiosité emphatique est de plus en plus importante en entreprise où les équipes travaillent en groupes projets pour créer de nouveaux produits ou déployer de nouveaux services. Dans ces cas, plus nous sommes emphatiques avec les autres, plus les équipes sont performantes. La troisième dimension est la curiosité individuelle. C’est notre capacité à l’introspection et à comprendre pourquoi nous agissons d’une certaine manière dans des circonstances données ou avec certaines personnes. Cette curiosité individuelle nous aide à mieux comprendre nos motivations conscientes et inconscientes : notre raison d’être, nos valeurs, nos croyances, nos limites et nos biais cognitifs.

La recherche est très claire sur le fait que le développement de la curiosité requiert un effort conscient. Elle est comme un muscle et, plus on l’entraîne plus elle est performante. Dès qu’on cesse d’être curieux, elle s’affaiblit et périclite.

Les êtres humains, et par conséquent les organisations, sont « programmés » et préfèrent naturellement le confort du statu quo à l’incertitude du changement. Nous sommes une espèce en quête de confirmation, sensible à nos egos et à la recherche de modèles mentaux cohérents. Pour développer notre curiosité, nous devons nous soustraire à ce confort et à cette cohérence. Les personnes curieuses ne cherchent pas de confirmation des autres : elles recherchent ce qui est différent et digne d’intérêt et qu’elles n’ont pas encore exploré. Les personnes authentiquement curieuses cherchent consciemment à sortir de leur zone de confort.

2. Créer un environnement de travail propice à la curiosité

Alors que notre acquis génétique, notre éducation et nos expériences individuelles sont importantes pour expliquer notre envie de curiosité, ils n’en expliquent que 50%. Le reste est le résultat d’influences externes, en particulier de la capacité de notre environnement à nourrir cette curiosité.

Dans un environnement professionnel, cette curiosité va être nourrie par la culture organisationnelle, l’équipe, le management ainsi que les pratiques partagées.

Les changements de l’environnement économique de ces 30 dernières années, amplifiés par la crise du Covid nous montrent clairement que les entreprises qui gèrent leur « business as usual » ne développent pas un environnement propice à la curiosité. Pour éviter la conformité (qu’on peut considérer come le contraire de la curiosité), il faut travailler à la construction de cette culture de la curiosité.

Le Global Curiosity Institute a développé 2 outils pour mesurer le niveau de curiosité au travail : un mesure la curiosité individuelle et un autre le degré de curiosité d’une équipe ou d’une entreprise. L’outil de diagnostic des organisations mesure le degré de curiosité à travers 9 dimensions : le style de relation des managers, la culture d’apprentissage, la diversité des individus dans l’entreprise, les pratiques favorisant la curiosité, la culture d’ouverture de l’organisation, la sécurité psychologique dans l’entreprise, l’existence de « role models », une vision claire, une culture de l’acceptation de l’échec.

Ces outils ont été utilisés dans 16 entreprises multinationales auprès de 500 employés à différents niveaux dans l’organisation. Parmi de nombreux résultats à cette étude, il apparaît que créer un environnement propice à la curiosité peut améliorer la compétitivité, la capacité d’innovation, la productivité, l’engagement et l’apprentissage. Ceci est toutefois fragile et doit être géré activement.

Cette recherche montre également que les entreprises multinationales peuvent s’appuyer sur une base solide, mais ont également et de manière intrinsèque des facteurs limitants. Les dirigeants qui ont participé à cette étude disent que la curiosité est principalement favorisée par (1) le style de management du superviseur direct, (2) le niveau de curiosité des individus et (3) la sécurité psychologique dans l’entreprise.

Les mêmes interviewés disent que les principaux facteurs limitants sont (1) des process et pratiques centrées sur l’exécution et la production au lieu de l’exploration et l’expérimentation, (2) une culture insuffisante d’innovation, de l’organisation et de son leadership, incluant l’acceptation de l’échec, (3) une culture insuffisante d’ouverture du management à tous les niveaux, qui permette aux employés de challenger le statu quo, poser des questions, faire des suggestions et avoir une communication suffisamment inclusive.

 

Par ailleurs, ils expriment que:

– Les personnes en situation de pouvoir sont deux fois plus nombreuses à déclarer que leur entreprise a une culture de la curiosité et récompense les individus curieux, que les personnes qui ne sont pas dirigeants ou responsables d’équipes ;

– 90% des leaders considèrent comme positif le fait que leur entreprise développe la curiosité pour être plus innovante mais 50% d’entre eux déclarent également que l’innovation est une distraction qui réduit l’efficacité des équipes. Ces leaders considèrent que la curiosité et l’innovation est essentielles pour la survie de l’entreprise mais ils n’ont pas trouvé l’équilibre entre le « business as usual » et une ouverture vers la curiosité et l’innovation.

3. Curiosité et démographie des équipes

Cette recherche fait également apparaître que certaines populations sont naturellement plus sensibles à la curiosité que d’autres :

– Développer la curiosité dans toute l’organisation : comparé aux groupes plus âgés, le groupe des moins de 30 ans se sent deux fois moins engagé à être curieux. Ils sont également deux fois moins convaincus que leurs aînés quant au sérieux de leurs leaders au sujet de l’innovation.

– Donner aux managers opérationnels la responsabilité de développer leurs collaborateurs : les managers opérationnels voient peu de valeur à développer une culture d’exploration et préfèrent se focaliser sur le « business as usual ». Par voie de conséquence, ils sont 4 fois moins nombreux que les autres niveaux de management à penser que la curiosité est importante pour l’entreprise.

– Favoriser la rotation dans l’entreprise : les personnes qui ont le même rôle / job depuis 3 à 5 ans ont des scores de curiosité individuelle plus faibles que ceux qui sont dans un rôle depuis moins de 3 ans. Ils sont moins enthousiastes et plus critiques, en moyenne 2 fois plus critiques sur la capacité de leur entreprise / environnement à susciter la curiosité. Les personnes qui sont dans le même rôle depuis plus de 5 ans sont plus positives mais cela semble fallacieux : elles sont en réalité plus prudentes et semblent avoir abdiqué puisqu’elles sont également la population qui a le plus faible taux de proposition d’idées nouvelles et innovantes.

– Favoriser l’inclusion : les femmes disent bénéficier de moins de temps pour exercer leur curiosité dans le contexte professionnel et recevoir moins de support que leurs pairs masculins en termes de développement professionnel.

4. Créer des « role models »

Enfin, cette recherche indique que la posture du leader est cruciale pour influencer positivement les équipes. Dans le cas contraire, il devient un obstacle au développement d’une saine culture de curiosité.

Le leader joue un rôle essentiel dans le développement de la culture des équipes. Les leaders curieux sont en général perçus comme (1) confiants et humbles, prêts à dire qu’ils ne savent pas tout en stimulant la génération d’idées dans leurs équipes, (2) ayant un haut niveau de curiosité individuelle et prenant le temps nécessaire pour travailler avec leurs équipes, (3) capables de créer une culture de sécurité psychologique dans laquelle l’erreur est une opportunité d’apprendre plutôt qu’une chose à éviter, (4) sachant trouver le bon équilibre entre une culture de l’exploration et le fameux « business as usual »

Les chiffres montrent que, sur le sujet de la curiosité, nous avons encore des marges d’amélioration. A titre d’exemple, 80% des managers de 1ère ligne ne cherchent pas à recevoir de feedback sur leur style de management alors qu’ils pourraient l’utiliser dans un souci d’amélioration permanente. Par ailleurs, il y a une corrélation directe entre la volonté d’apprentissage d’un manager et celle de son équipe : plus le manager fait preuve de curiosité intellectuelle, plus son équipe reproduit ce comportement. Si le manager arrête d’apprendre, l’équipe fait de même. Enfin, les 2 principales barrières à la curiosité évoquées par les individus dans le cadre de leur activité professionnelle sont les décisions prises de manière « autoritaire » par leur manager et le manque de temps pour exercer sa curiosité dans le cadre du travail.

Stefaan van Hooydonk

Founder of Global Curiosity Institute

After building a distinguished career as CLO,learning innovator and strategist for multinational companies, Stefaan founded the Global Curiosity Institute where he and his team are supporting professionals, organisations and society to foster a mindset of curiosity.